Laïcité : le danger du mot-valise
Nous avons tous un ami Facebook qui a posté la photo d'une femme voilée dans un espace public en criant au scandale. Quand on lui demande pourquoi, il/elle invoque le principe de laïcité. L'erreur est grave et il ne faut pas se laisser emporter par cette facilité.
Le principe de laïcité est un principe de droit. Il organise les décisions des collectivités publiques : nulle discrimination envers les administrés selon leurs croyances, pas plus qu'une religion ne doit avoir une place prédominante dans l'espace public.
La République Française est laïque. Il n'y aucun doute à ce sujet. Pas plus qu'il n'y a de doute à avoir sur l'application stricte des lois de la République, notamment sur le port du voile intégral quand il s'agit de la sécurité publique.
Pour autant, si notre Etat de droit a fait le choix de la laïcité, notre société n'est pas "laïque". Tous les sociologues, historiens et démographes le démontrent, la France est imprégnée d'une culture chrétienne, où les Catholiques ont eu un mal séculaire à accueillir les Juifs et les Protestants, et où l'Islam, comme d'autres religions, s'est implanté avec l'immigration. Les racines de nombreuses croyances innervent le corps social et chacune d'entre elles a vocation à exister en tant que telle.
La laïcité n'est pas l'ennemie de la tolérance
En d'autres termes, il est aussi important d'assurer la neutralité de l'action de l'Etat envers les religions qu'il est vital de garantir la bienveillance de la société à l'égard de toutes les confessions. C'est le principe social de tolérance qui complète le principe de laïcité. Cette logique de coexistence respectueuse dans la vie sociale ne doit pas être mise en danger par le principe de laïcité dont la vocation est exclusivement administrative.
Il y aurait pu y avoir une vision extensive, quasi-envahissante, de la laïcité. Cette vision radicale en aurait fait plus qu'un principe de droit public et l'aurait élevé au rang de principe d'organisation de la société. Fort heureusement, l'histoire de France nous a appris à faire une place à toutes les religions. Aujourd'hui, regarder la société par le prisme de la laïcité revient, comme hier, à vouloir extraire toute religion du corps social.
La conséquence est directe : attention, la xénophobie peut devenir le passager clandestin des appels dévoyés à la laïcité.
Certes, ce risque n'enlève rien à l'importance d'être intransigeant sur l'application stricte du droit. Mais l'Etat de droit n'a pas vocation à écraser l'expression de la société qui l'accueille : la France doit demeurer ce pays multiculturel où la modernité juridique n'a pas vocation à empêcher une prêche en arabe plus qu'une messe en latin ou en hébreux.