« Il est encore fécond, le ventre d’où a surgi la bête immonde »
Bertolt Brecht nous alertait dès 1941 contre les risques d’une résurgence du fascisme. J’ai lu La Résistible Ascension d'Arturo Ui alors que je venais tout juste d’atteindre la majorité. À peine électeur, je savais pourtant que cet avertissement marquerait mon engagement politique comme démocrate.

Umberto Eco
Tout porte à croire que nous faisons face à un néofascisme dans une grande partie de la twittosphère de la droite dure. Eco décline les caractéristiques saillantes à repérer pour combattre la violence politique qui a défini l’Italie de Mussolini. Elles sont visibles dans cet écosystème digital.
1 - On fait un culte de la tradition
2 - On rejette l’héritage des Lumières
3 - On qualifie de « trahison » toute forme de désaccord
Il est facile de déclencher un tweetclash avec ces internautes dont la rhétorique agressive s’active systématiquement dès que l’on défend une politique migratoire humaniste… Et pour nourrir leurs argumentaires, certains sites extrémistes alignent les tribunes pour permettre à la France trahie de « renaître », à l’instar du Boulevard Voltaire (voir ici).
4 - On joue sur la peur, surtout celle de la différence
5 - On profite de la frustration des classes moyennes
Notons à ce sujet que Laurent Wauquiez avait commencé son œuvre fascisante avant de chasser officiellement sur les terres de Marine Le Pen : créateur de « la droite sociale », il est l’auteur d’un livre parangon des classes moyennes… et il ne manque pas de rappeler qu’il se bat pour elles.
6 - On joue sur le sentiment d’une Nation « assiégée »
7 - On craint un ennemi à la fois trop faible et trop fort
En l’espèce, foisonnent sur Internet des représentations similaires de l’ennemi que serait l’Islam. Prenons l’exemple du site d’extrême droite « Riposte laïque ». Dans un post dédié à un rapport du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, le blogueur récuse la thèse du rapport selon laquelle les groupuscules d’ultra-droite seraient plus dangereux que le terrorisme islamiste en France.
8 - On est en guerre permanente contre l’ennemi
9 - On éduque nos enfants pour en faire des héros
Très récemment, un événement local a agité la twittosphère de l’ultra-droite. Dans la commune de Salency, certains habitants ont souhaité célébrer la « pureté des jeunes filles » - avec comme critère la virginité. Une aubaine politique pour tous les amateurs de la récupération ! 10 jours plus tard, une pétition portée par une Eurodéputée du Front National voit le jour sur les réseaux sociaux pour soutenir la fête de la Rosière, soi-disant manifestation de nos traditions (sic).
10 - On laisse le machisme s’installer
11 - On prétend redonner la parole au peuple
Pour sauver une Nation assiégée, trahie par ses élites (et tant d’autres !), de la menace d’un ennemi que l’on ne saurait vaincre, que faut-il faire ? Pour Umberto Eco, la réponse type du fascisme est le soulèvement populaire. Quel que soit le régime politique dans lequel il voit le jour, le fascisme cherche à fonder sa légitimité en prétendant se tournant vers le peuple (plus que n'importe quelle autre faction politique).
12 - On parle la novlangue
Ainsi les pourfendeurs du « mondialisme immigrationniste » se battent-ils contre les « eurolâtres », épithète que l’on retrouve aussi bien dans les tweets du Sénateur LR Roger Karoutchi que dans la riposte de la fachosphère.
Le populisme, c’est le fascisme en civil !