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12 tweets qui montrent que le fascisme s’installe à droite

« Il est encore fécond, le ventre d’où a surgi la bête immonde »​

Bertolt Brecht nous alertait dès 1941 contre les risques d’une résurgence du fascisme. J’ai lu La Résistible Ascension d'Arturo Ui alors que je venais tout juste d’atteindre la majorité. À peine électeur, je savais pourtant que cet avertissement marquerait mon engagement politique comme démocrate.

Puis récemment, j’ai été frappé par la violence de propos xénophobes et irrationnels trouvés sur Twitter ; puis c’est en lisant le discours d’Umberto Eco sur le fascisme prononcé en 1995 à l’Université de Columbia que j’ai réalisé qu’il s’agissait bel et bien d’une forme de fascisme 2.0.

Umberto Eco

Tout porte à croire que nous faisons face à un néofascisme dans une grande partie de la twittosphère de la droite dure. Eco décline les caractéristiques saillantes à repérer pour combattre la violence politique qui a défini l’Italie de Mussolini. Elles sont visibles dans cet écosystème digital.

1 - On fait un culte de la tradition

Pour Eco, le traditionalisme est l’une des caractéristiques à repérer pour dénicher les nouvelles formes de fascisme. Plébiscité dans les communautés Twitter de droite dure, le culte de la tradition est visible.
Le média Fdesouche, qui fait référence dans ce milieu, a installé sa ligne éditoriale comme une ligne Maginot contre les influences extérieures, en particulier contre l’Islam.
S’érigent aussi en défenseurs de la culture française non-seulement des youtubeurs marginaux comme « Templier patriote » mais également des aspirants politiciens comme le jeune Erik Tegner.
Cette première trace du fascisme apparaît clairement.

2 - On rejette l’héritage des Lumières

Deuxième caractéristique du néofascisme qui ne manque pas à l’appel : l’héritage des Lumières est mis à sac par cette droite-là en conquête sur les réseaux sociaux.
Exit les faits et la vérité dans nombreux raisonnements. Exit la volonté de travailler la complexité politique.
Ainsi l’ultra-droite et ses élus ont-ils répandu la Fake News selon laquelle Marlène Schiappa se serait faite l’avocate des pédophiles en imposant la charge de la preuve aux moins de 15 ans ayant subi un viol. Quand la politique fait les frais de la simplicité et du mensonge, illustration rapide par le Conseil régional FN Olivier Monteil.

3 - On qualifie de « trahison » toute forme de désaccord

Et dès lors que le débat s’installe, toute dissonance est une trahison pour la fachosphère. C’est la troisième caractéristique du fascisme dressée par Eco parfaitement visible sur les réseaux.
Sur Twitter, vous devenez rapidement un « traitre à la patrie » quand votre avis - certes réduit à 280 caractères - n’est pas conforme à la doxa anti-immigration.
Ces twittos cherchent constamment à discréditer toute forme de progressisme au motif qu’on abandonnerait les valeurs traditionnelles à un ennemi souvent flou.

Il est facile de déclencher un tweetclash avec ces internautes dont la rhétorique agressive s’active systématiquement dès que l’on défend une politique migratoire humaniste… Et pour nourrir leurs argumentaires, certains sites extrémistes alignent les tribunes pour permettre à la France trahie de « renaître », à l’instar du Boulevard Voltaire (voir ici).

4 - On joue sur la peur, surtout celle de la différence

Le traître inspire la peur d’être trahi mais il n’est pas la seule figure sur laquelle joue constamment le fascisme selon Eco : le théâtre d’ombres des craintes - surtout celle de l’autre - est le terrain de jeu du fascisme.
Sur les réseaux sociaux de droite dure, la peur est monnaie courante. C’est même un sentiment qui prend directement part à la ligne éditoriale de certains médias comme La France Libre TV.
Option classique dans la sphère médiatique que de s’appuyer sur les émotions pour mieux véhiculer ses opinions.

5 - On profite de la frustration des classes moyennes

Tout comme ils se nourrissent de la peur, la frustration éprouvée par les classes moyennes est aussi une source de force pour le fascisme comme l’indique Umberto Eco.

Notons à ce sujet que Laurent Wauquiez avait commencé son œuvre fascisante avant de chasser officiellement sur les terres de Marine Le Pen : créateur de « la droite sociale », il est l’auteur d’un livre parangon des classes moyennes… et il ne manque pas de rappeler qu’il se bat pour elles.

Rien de mal en soi, sauf quand c’est exclusivement une œuvre électoraliste, comme c’est le cas pour Marine Le Pen.

6 - On joue sur le sentiment d’une Nation « assiégée »

Lamartine disait que « la France est une nation qui s’ennuie », prête à se saisir de grande cause ; c’était sans compter sur la droite dure où l’ennui s’est progressivement mué en bellicisme social (souvent anti-Islam) !
Les preuves d’un peur rampante sont partout ; celle-ci motive le combat contre une menace diffuse mais omniprésente, pour lever un siège qui n’existe pas : celui du « grand remplacement » pour les Twittos les plus téméraires ou à tout le moins des « petits remplacements » pour les « modérés » (sic).
C’est ainsi que le sentiment d’une Nation assiégée, établi par Umberto Eco comme l’une des caractéristiques du discours néofasciste, est égrainé sur les réseaux sociaux.

7 - On craint un ennemi à la fois trop faible et trop fort

Et derrière le siège de la nation, qui trouve-t-on ? Eco dresse le portrait de cet ennemi typique du fascisme : c’est un ennemi qui est à la fois trop faible (il serait à portée de victoire) et trop fort (il serait insurmontable). Totalement fantasmé dans ses représentations, l’ennemi est donc cet adversaire que l’on craint totalement et que l’on croit pouvoir vaincre absolument.

En l’espèce, foisonnent sur Internet des représentations similaires de l’ennemi que serait l’Islam. Prenons l’exemple du site d’extrême droite « Riposte laïque ». Dans un post dédié à un rapport du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, le blogueur récuse la thèse du rapport selon laquelle les groupuscules d’ultra-droite seraient plus dangereux que le terrorisme islamiste en France.

Son argumentation vise à montrer que les services de renseignement français seraient sous-dotés contre la menace djihadiste ; au passage elle révèle le fantasme d’un ennemi surpuissant mais pas invincible.

8 - On est en guerre permanente contre l’ennemi

Umberto Eco relève ensuite que le fasciste cherche à exister par une forme de lutte existentielle autant que civilisationnelle.
Force est de constater que la twittosphère de droite dure, rassemblant sans distinction certains LR avec DLF et le RN, a un ennemi commun : « l’immigré musulman ».
Lutter contre l’immigration islamique est son objectif premier ; elle vire souvent à l’obsession, écrasant toute autre réalité politique dans les éléments de langage employés par les représentants de cette nouvelle droite unie sur fond de xénophobie. Il s’ensuit une guerre permanente contre l’ennemi, dans toutes les politiques publiques (y compris la justice).

9 - On éduque nos enfants pour en faire des héros

Dans la lutte continue engagée contre l’ennemi, le fascisme éduque ses enfants en héros sur le point de prendre la relève ou de mourir en martyr.

Très récemment, un événement local a agité la twittosphère de l’ultra-droite. Dans la commune de Salency, certains habitants ont souhaité célébrer la « pureté des jeunes filles » - avec comme critère la virginité. Une aubaine politique pour tous les amateurs de la récupération ! 10 jours plus tard, une pétition portée par une Eurodéputée du Front National voit le jour sur les réseaux sociaux pour soutenir la fête de la Rosière, soi-disant manifestation de nos traditions (sic).

Ainsi les enfants sont-ils instrumentalisés par ceux dont les combats manquent de héros.

10 - On laisse le machisme s’installer

Umberto Eco note par ailleurs que le nationalisme étant une partition difficile à jouer, certains expriment leurs penchants fascistes à travers d’autres faisceaux, en particulier le machisme.
Il n’est donc pas anormal de trouver dans nos radars le fameux Julien Rochedy, ancien directeur du Front National de la Jeunesse, et surtout véritable machine à punchlines anti-féministes.

11 - On prétend redonner la parole au peuple

Au-delà du machisme, sorte de fascisme light pour mâles peu à l’aise dans le registre nationaliste, une question revient souvent.

Pour sauver une Nation assiégée, trahie par ses élites (et tant d’autres !), de la menace d’un ennemi que l’on ne saurait vaincre, que faut-il faire ? Pour Umberto Eco, la réponse type du fascisme est le soulèvement populaire. Quel que soit le régime politique dans lequel il voit le jour, le fascisme cherche à fonder sa légitimité en prétendant se tournant vers le peuple (plus que n'importe quelle autre faction politique).

Force est de constater qu’en 2017, le terreau fasciste était fertile en France. « Au nom du peuple » - N’était-ce pas le slogan de Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2017 ? Un appel au peuple qui continue de s’exprimer au quotidien dans l’écosystème de l’ultra-droite française.
Ainsi, durant la crise de l’Aquarius, avons-nous vu ce visuel tourner partout sur Twitter :

12 - On parle la novlangue

Dernier trait du fascisme qu’Umberto Eco nous invite à déceler : la tendance à la novlangue… cela consiste à se créer son propre vocabulaire pour nourrir la pensée fascisante.

Ainsi les pourfendeurs du « mondialisme immigrationniste » se battent-ils contre les « eurolâtres », épithète que l’on retrouve aussi bien dans les tweets du Sénateur LR Roger Karoutchi que dans la riposte de la fachosphère.

Le populisme, c’est le fascisme en civil !

Twitter fonctionne comme l’impressionnisme.
Aucun de ces tweets n’exprime en soi la montée du fascisme. Chacun pris à part, il délivre uniquement le niveau d’inquiétude ou d’aigreur dans lequel le pays est plongé.
Mais il faut prendre du recul devant chacun de ces pointillés pour voir le tableau dans son ensemble. D’un sentiment diffus de malaise, on passe à tout autre chose : on comprend alors que oui, une forme de fascisme se développe dans l’ultra-droite française.
Et alors que nous devons nous tourner vers les responsables politiques qui entretiennent ce terreau favorable à la violence politique : vous qui pensez instrumentaliser les peurs, savez-vous que nous vous avons démasqués ? Car nous savons désormais que le populisme, c’est le fascisme en civil.

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